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Emmanuel MAUREL | Gauche républicaine et socialiste
– Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, Madame la rapporteure Vedrenne, j’ai entendu votre enthousiasme. Je crois surtout qu’il faut dire, mieux vaut tard que jamais.
Il aura fallu attendre que M. Trump bloque l’organe d’appel de l’OMC pour que l’Europe se décide à agir. C’est tant mieux, mais enfin cela a quand même pris du temps. Nous prenons maintenant des mesures qui s’imposent, ce n’est qu’un début, on va pouvoir riposter plus rapidement à des agressions tarifaires ou contingentaires sans attendre que se mette en place la longue procédure des règlements des différends à l’OMC. Et je soutiens à cet égard la volonté de la commission du commerce international d’inclure dans le nouveau règlement les services et la protection de la propriété intellectuelle qui, comme vous le savez est bafouée en permanence.
Mais je note quand même une légère contradiction: vous affirmez que l’Europe va protéger davantage et, au même moment, nous signons un accord d’investissement avec la Chine. On sait très bien que la Chine ne respecte pas les règles de l’OMC, elle ne respecte pas plus, d’ailleurs, les droits humains. Je note une légère contradiction et je pense qu’il va falloir rompre avec cette distorsion systématique entre les actes et les paroles.
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Marie-Pierre VEDRENNE | Mouvement Démocrate
Rapports de force, affrontements, tensions commerciales, c’est dans ce contexte géopolitique de rivalité économique que l’Europe doit s’inscrire, avec un gendarme du commerce mondial vacillant. Depuis un peu plus d’un an, en décembre 2019, l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce ne compte plus qu’un seul juge. Face au refus américain de nommer de nouveaux membres, le système de règlement des différends est paralysé.
Confrontés à cette situation de blocage, nous ne pouvions rester sans agir et la révision du règlement, avec la proposition initiale de la Commission, était donc bienvenue. Le Conseil s’y est rapidement rangé, instaurant une forme de statu quo. Nous, parlementaires, avons saisi l’importance de cette révision. Audacieux et déterminés, avec un mandat clair, nous avons réussi à aller au-delà.
Chers collègues, ce vote représente également la voix d’un Parlement uni au service de l’Europe qui gagne en crédibilité, en efficacité, en ambition. Anna-Michelle, Berndt, Reinhard, Emmanouil, Helmut, merci de votre confiance et de ce travail conjoint. Ensemble, nous avons porté dans les négociations l’impérieuse nécessité de muscler notre politique commerciale, le pressant devoir de défendre nos intérêts européens, l’impératif renforcement de notre arsenal juridique. Ainsi, avec votre vote, chers collègues, de nouvelles avancées verront le jour.
Permettez-moi d’entrer dans les détails. Pour être en capacité de réagir, il faut tout d’abord se donner les moyens et disposer de leviers d’action suffisants face à des États qui empruntent la voie de comportements unilatéraux et illégaux. En élargissant le champ d’application de nos contre-mesures, c’est l’efficacité pour l’Europe qui est donc proposée.
Dans un monde où la part des services et des droits de propriété intellectuelle est grandissante, le Parlement européen a donc convaincu le Conseil d’ouvrir la possibilité pour l’Union européenne de prendre des mesures non seulement dans le domaine des services et des marchés publics, mais aussi dans le secteur des services et des droits de la propriété intellectuelle harmonisées au niveau européen. Et nous nous sommes donné rendez-vous dans un an, avec une clause de révision explicite afin d’élargir le champ à l’ensemble des droits de propriété intellectuelle.
Monsieur le Commissaire, vous avez face à vous des députés engagés et volontaires et nous attendons encore beaucoup plus. Alors, face à notre détermination d’introduire des mesures provisoires et immédiates contre les actions manifestement illégales et unilatérales d’un partenaire commercial, la Commission semble avoir entendu notre appel. Vous vous êtes engagé à présenter au plus vite et au plus tard d’ici la fin 2021 un nouvel instrument visant à décourager et contrer les mesures coercitives de pays tiers.
Monsieur le Commissaire, il y a urgence. Monsieur le Commissaire, il y a une obligation à ce que l’Union européenne se dote d’un tel instrument de dissuasion pour répondre à des comportements qui n’ont pas lieu d’être. Il ne s’agit pas de lancer de guerre commerciale, simplement d’assurer le respect des règles internationales et de s’affirmer comme puissance commerciale.
Chers collègues, dans cet accord institutionnel, les trois institutions, Commission, Conseil et Parlement se sont engagées avec une déclaration conjointe et j’espère vivement que nous ne devrons pas attendre la fin de l’année pour que la Commission vienne avec une proposition. Répondre immédiatement à des mesures peu ou pas conformes au droit international est essentiel, c’est un enjeu de crédibilité.
Avec l’arrivée de Joe Biden à la présidence des États-Unis, beaucoup imaginent que nous sommes à l’abri de mesures infondées auxquelles nous a habitués Donald Trump. Du côté américain, peut-être. Mais les effets extraterritoriaux de leurs lois demeureront certainement encore. Par ailleurs, d’autres États ne sont pas en reste et nous ferions une erreur d'attendre. Notre boîte à outils comporte peu de tournevis ou de clés à molette. Il est grand temps de la compléter et il est grand temps d’avoir toutes ces clés qui nous permettront d’ouvrir davantage de portes.
Enfin, chers collègues, nous connaissons tous les enjeux relatifs aux dispositions en matière de développement durable dans nos accords. Monsieur le Commissaire, la Commission s’est engagée à traiter, avec le responsable européen du respect des règles du commerce et le nouveau point d’entrée unique, toutes les violations des dispositions en matière de respect du droit du travail, de lutte contre le changement climatique ou encore de droits de l’homme au même niveau que les plaintes relatives à l’accès au marché. Vous le savez, nous souhaitons de nouvelles propositions concrètes pour que les engagements qui soient inscrits dans nos accords de commerce ne soient pas que des déclarations d’intention et soient effectivement respectés et appliqués.
Demain, chers collègues, je tiens à le rappeler ici et devant vous, nous rappellerons que l’Europe doit continuer de soutenir sans relâche le système multilatéral et les règles de l’OMC. Avec ce rapport, nous démontrons que nous sommes pleinement mobilisés pour allier discours et actes. Demain, chers collègues, avec la mise à jour du règlement sur le respect des règles en matière commerciale, c’est donc bien le choix de l’efficacité, de la crédibilité, de l’ambition, le choix de notre autonomie stratégique.
Une nouvelle fois, je remercie tous mes collègues rapporteurs fictifs, la Présidence allemande ainsi que le vice-président Dombrovskis. Lorsque nous sommes unis, nous savons faire avancer l’Europe.