🇪🇺 Députés européens
🇫🇷 Députés français🗳 Voir le vote
🇪🇺 Députés européens
🇫🇷 Députés français🗳 Voir le vote
– Madame la Présidente, tout d’abord, je tiens à remercier mon collègue Pierre Karleskind d’avoir porté ce rapport. À l’heure où nous renforçons nos exigences vis-à-vis de nos pêcheurs au travers du règlement sur le contrôle des pêches, il est urgent d’alerter sur les dérives de la pêche industrielle chinoise: pas de traçabilité, pas de transparence dans les accords, des usines de farines de poisson, etc. – Pierre, tu as déjà un peu tout évoqué.
C’est aussi la Chine qui, avec la Russie, refuse de donner sa voix pour la création d’aires marines protégées en Antarctique. Or, nous n’atteindrons jamais les objectifs de développement durable et de gestion durable sans la Chine.
Alors, il y a peut-être de l’espoir malgré tout. Je veux croire qu’il y a moyen d’appeler les autorités chinoises à coopérer et à mettre en œuvre les engagements internationaux. C’est en effet la Chine qui, lors de sa coprésidence de la COP15 pour la biodiversité, a permis, avec l’Union européenne, d’atteindre des objectifs ambitieux, et elle encore qui, le mois dernier, a cosigné le traité sur la haute mer.
Alors, j’ose espérer qu’elle comprenne que l’océan est notre bien commun, et qu’il faut le préserver.
Or, de nombreux rapports gouvernementaux ou d’organisations non gouvernementales pointent un certain nombre de pratiques qui posent question: des cas de pêche illégale – nous étions avec la commission PECH en Équateur, où nous avons été confrontés aux soucis que cela causait –, des cas de pratiques telles que le prélèvement des ailerons de requins ou l’extinction des outils de positionnement, pratiques illégales ou prédatrices qui mettent en jeu la sécurité alimentaire de certains pays côtiers – nous étions aussi avec la commission PECH au Sénégal –, et puis des cas de travail forcé.
À ce titre, l’enquête internationale publiée la semaine dernière par le projet Outlaw Ocean sur ces pratiques, à terre comme en mer, doit attirer notre attention. La Chine n’a ratifié ni la Convention concernant le travail dans le secteur de la pêche de l’Organisation internationale du travail ni l’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port de la FAO. Alors, bien sûr, la Chine a fait des progrès. D’ailleurs, depuis que nous avons rédigé le rapport, la Chine a ratifié l’accord sur les subventions à la pêche de l’OMC. Mais cela dit, Monsieur le Commissaire, j’ai une question à vous poser: pouvez-vous m’assurer que les produits de la mer qui sont à cette heure sur la table des Européens – ils sont en train de les manger – ne sont pas issus d’une entreprise chinoise pratiquant le travail forcé en mer ou à terre ou la pêche illégale?
Nous avons certes des instruments, dans l’Union européenne: le règlement contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et le règlement établissant un régime mondial de sanctions en matière de droits de l’homme – c’était en 2020 que nous les avons adoptés –, mais ils ne sont visiblement pas suffisants. Il nous faut renforcer, à travers trois axes – la transparence, la traçabilité et le contrôle –, notre capacité à les mettre en œuvre.
La transparence: selon le gouvernement chinois il y a 2 900 navires de longue distance hauturiers, selon la FAO il y en a 17 000. Combien sont-ils? Où sont-ils? Combien de subventions? Et qui fait quoi dans les eaux des pays avec lesquels nous-mêmes nous avons des accords de pêche? À qui appartiennent ces navires? Nous étions au Sénégal confrontés à cette pêche industrielle dont les capitaux sont chinois mais les pavillons sénégalais.
La traçabilité: nous venons d’évoquer le règlement contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, extrêmement important. Nous avons le système CATCH, qui permet la numérisation et la traçabilité – ç’a été un combat de mon groupe autour de tout ce travail, et je remercie la rapporteure, Clara Aguilera, pour le travail qu’elle a accompli sur cette question de la traçabilité.
Le contrôle, toujours: cela n’a pas de sens d’imposer à nos pêcheurs des critères de contrôle drastiques si le reste du monde vit dans la loi de la jungle. Or, il nous faut – et c’est le sens de notre rapport, de nos propositions dans le rapport – encourager les actions des États membres (comme avec le projet Pescao, qui a été réalisé dans le golfe de Guinée), qui pourraient mobiliser leur flotte de contrôle de marine nationale en marge des actions de lutte contre la piraterie.
Enfin, je dirais qu’il faut malgré tout et avant tout coopérer avec la Chine. C’est le sens, d’ailleurs, du partenariat que nous avons formé avec Pékin et au sujet duquel j’aurais aimé avoir un compte rendu du commissaire Sinkevičius – mais j’imagine, Monsieur le Commissaire Hahn, que c’est vous qui allez nous le faire. Coopérer pour mettre en place des plans de gestion dans les pays où nous pêchons ensemble, dans les eaux où nous pêchons ensemble, pour protéger la ressource, pour protéger nos pêcheurs, dans une concurrence juste. Enfin il nous faut coopérer avec la Chine pour la pousser à ratifier les conventions que j’ai évoquées sur le travail en mer et sur la lutte contre la pêche illégale.
Alors, cela suffira-t-il? Non. Il est probable qu’il faille mentionner aussi, pour avancer plus loin, au-delà de ce rapport, le vote qui a eu lieu ce jour même au sein de la commission conjointe IMCO-INTA sur la création d’un instrument contraignant spécifique pour lutter contre les produits issus du travail forcé – cela devra s’appliquer à la pêche, aussi.
Je finirai par la chose suivante: il faut aussi que les entreprises européennes fassent du ménage chez elles. C’est là le sens de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises que nous avons adoptée. Sur l’ensemble de la chaîne de valeur, elles vont devoir faire le travail de vérifier effectivement si la lutte contre la pêche illégale et la lutte contre le travail forcé font partie des éléments qui sont particulièrement regardés.
– Madame la Présidente, saviez-vous qu’une partie du poisson issu du travail forcé des Ouïghours en Chine finit dans nos assiettes? C’est ce que suspecte la dernière enquête du projet Outlaw Ocean. Voilà des années que les autorités chinoises ont mis en place des transferts de main-d’œuvre d’Ouïghours vers les régions industrielles, où se trouvent des usines de transformation des produits de la mer. Ces produits se retrouvent, en bout de chaîne, dans les supermarchés d’Europe ou des États—Unis.
Au moins dix grandes entreprises de produits de la mer en Chine ont utilisé plus de un millier de travailleurs ouïghours depuis 2018. Une main d’œuvre que la Chine opprime, exploite, interne, torture; les audits internationaux et autres certifications n’arrivent pas à détecter ce travail forcé, et certains poissons sont même estampillés «pêche durable». Or, ces produits de la mer alimentent des usines en Europe qui approvisionnent, à leur tour, de grandes marques et des supermarchés. Certains produits se retrouvent dans nos hôpitaux ou encore dans les cantines de la Commission.
Je salue le fait que le rapport vise à accroître la traçabilité des produits importés. Les Verts ont également œuvré pour que la législation sur l’interdiction d’importation des produits issus du travail forcé mette fin à cette situation.