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– Madame la Présidente, aujourd’hui à Chisinau, plus de 40 dirigeants européens viennent dire leur soutien à la Moldavie. Mais chaque jour, à Chisinau, la Russie mène une guerre hybride contre ce pays. Elle utilise tous les moyens en sa possession pour tenter d’affaiblir, de déstabiliser et de soumettre un pays souverain qui a fait le choix de la démocratie et de l’Europe. Désinformation, cyberattaques, achat de votes ou de manifestants, fausses alertes à la bombe, chantage à l’énergie, tentatives de coup d’État, tout est bon.
Aujourd’hui démarre en Moldavie une mission civile de l’Union européenne pour aider ce pays à lutter contre les menaces hybrides. C’est une mission d’un type entièrement nouveau. Je salue sa création, mais ne nous faisons pas d’illusions: ce que la Moldavie subit tous les jours, nous le subissons également. Les ingérences étrangères contre nos démocraties nous ciblent pour ce que nous sommes. Notre commission spéciale en a fait le constat accablant depuis deux ans.
Je dois dire devant vous que je ne suis pas encore certaine que notre Union soit passée du constat à l’action. Il y a bien ici et là des initiatives, mais pas encore de vision d’ensemble. J’attends avec impatience les propositions de la Commission pour protéger nos démocraties. J’espère qu’elles seront à la hauteur et suffisamment ambitieuses face au défi qui nous est lancé.
– Madame la Présidente, à quoi va servir ce rapport? Principalement à contrôler davantage le paysage médiatique en Europe. À l’article 33, vous voulez contrôler les experts qui interviennent sur les médias dits traditionnels. À l’article 35, vous voulez un comité européen des médias dont nous ne doutons pas qu’il diffuserait l’idéologie de la Commission européenne. Le ministère de la vérité n’est pas très loin. Vous voulez toujours davantage contrôler internet, et notamment la plateforme Twitter, dont l’attachement à la liberté d’expression hérisse le poil de la Commission.
Vous continuez à répandre l’idée que la Russie voulait influencer les prochaines élections européennes, sans apprendre des manipulations commises par les démocrates américains, dont les accusations viennent une nouvelle fois d’être balayées par deux rapports différents du département américain de la justice. Ces rapports affirment clairement qu’il n’y a aucune preuve d’une ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine.
Quand on lit ce rapport, finalement, on est en droit d’être inquiets. Ceux qui ne partagent pas vos conceptions sont soit manipulés, complotistes, ou agents. Ils ont peut-être tout simplement une opinion différente. Garderont-ils ce droit encore longtemps?
– Madam President, foreign interference is not something that we can take lightly, especially when EU values and our democracies are called into question. In order to safeguard our democracies we all know that the most important is to improve transparency. This is crucial. This means not only for us as Members of this Parliament, but also for think tanks, foundations and the private companies that we work with.
However, we need to get the balance right. At times, this narrative of monitoring and legislating against foreign interference veers dangerously close to calling for the censorship and criminalisation of NGOs. But without defending a free and functioning civil society, we cannot claim to defend EU values. Civil society organisations are precisely the actors that have defended EU values, worked to prevent foreign Russian interference in the EU and in its neighbourhood countries, and put pressure on us to act to prevent further authoritarian backsliding. If we criminalise civil society, we run the risk of undermining the very values upon which this Union is built.
Pendant 20 ans, les dirigeants européens ont fait preuve de naïveté et de complaisance. Pendant 20 ans, ils ont laissé des tyrans s’essuyer les pieds sur notre souveraineté, et nos démocraties européennes être la cible d’attaques extérieures coordonnées et sophistiquées. Pendant 20 ans, ils ont ouvert grand les portes de nos cités à leurs ennemis.
Chers collègues: financement de partis politiques anti-Union européenne, cyberattaques, campagnes de désinformation, corruption des élites. La guerre hybride que des régimes hostiles ont lancée contre nos démocraties et que nos dirigeants ont si longtemps refusé de voir, prend différentes formes. Elle arbore différents visages. Elle prend parfois dans nos téléphones, sur nos réseaux sociaux, le visage d’un troll ou d’un bot, élevé dans les fermes d’Evgueni Prigojine à Saint-Pétersbourg.
Le constat de notre commission est implacable. Les campagnes de manipulation de l’information sont une arme de destruction démocratique massive. Des acteurs privés, mus par l’appât du gain, comme la société israélienne Team Jorge, et des dictatures mues par la haine viscérale de nos démocraties, comme la Chine ou la Russie, visent à affecter le choix des électeurs, amplifier les polémiques, diviser, exploiter les vulnérabilités de nos sociétés ouvertes et encourager les discours de haine dans nos pays.
Tout ce qui polarise notre débat, entretient une atmosphère de confusion et de guerre civile sur nos réseaux, tout ce qui sape la confiance envers nos institutions répond à leur stratégie. Le chaos informationnel dans lequel nous évoluons désormais est une aubaine pour les tyrans, et un poison mortel pour les démocrates, comme l’est la corruption.
Chers collègues, la corruption des élites précipite toujours la chute des cités, et nous avons consenti à ce que le poison de la corruption se distille au sommet de nos États.
Comment avons-nous pu accepter pendant si longtemps que tant de chefs de gouvernement, de ministres, de hauts fonctionnaires aillent travailler pour les intérêts russes ou chinois? Comment la démocratie allemande, par exemple, a-t-elle pu tolérer que Gerhard Schröder parte travailler ainsi pour Gazprom, quelques semaines seulement après la fin d’une chancellerie marquée par des choix stratégiques dont son futur employeur serait le principal bénéficiaire? Comment les démocraties française, mais aussi autrichienne, belge et de tant d’autres pays européens qui se targuent d’avoir un système démocratique, ont-elles pu accepter que des ministres aillent travailler ainsi pour Gazprom ou pour d’autres entreprises qui font partie du système Poutine? Et comment acceptent-elles aujourd’hui que tant de ministres aillent travailler pour les intérêts chinois?
Nos classes dirigeantes ne doivent plus être les supermarchés dans lesquels les régimes autocratiques viennent tranquillement faire leurs courses. Il ne s’agit pas ici de morale, mais de sauvegarde de nos intérêts vitaux.
Chers collègues, la trahison de nos nations et de nos démocraties prend aussi le visage de démagogues d’extrême-droite prêts à se vendre à l’ennemi. Et des financements se transforment en asservissement quand il s’agit, pour des partis politiques européens, de répondre à une stratégie imposée de l’extérieur. C’est le cas notamment de Marine Le Pen qui, encore il y a peu à l’Assemblée nationale, a épousé la vision stratégique d’un régime auquel son parti doit aujourd’hui encore des millions d’euros.
Chers collègues, les élections se tiendront en 2024 dans un contexte de guerre en Europe et nous devons défendre leur intégrité. Nous comptons sur la Commission pour organiser dès maintenant cette défense. Je m’adresse donc à vous, Madame la Vice-Présidente: que prévoyez-vous concrètement pour lutter efficacement contre la manipulation de l’information pendant la campagne? Comment la Commission s’assurera-t-elle que les nouvelles initiatives, telles que le paquet de défense de la démocratie, seront opérantes dans les prochains mois et permettront d’assurer l’intégrité de la campagne électorale? Comment la Commission s’assurera-t-elle que les acteurs du numérique, et notamment les très grandes plateformes, obéissent enfin à nos exigences et à nos règles? Comment la Commission garantira-t-elle un niveau élevé de cybersécurité pour toutes les institutions concernées par les élections? Comment la Commission envisagera-t-elle de se coordonner avec les gouvernements des États membres pour garantir que ces élections sont protégées?
Ces élections feront suite à notre mandat ébranlé par les ingérences extérieures, qu’elles soient liées à la pandémie de COVID-19 ou au retour brutal de la guerre sur notre continent, ou même au Qatargate. L’enjeu est crucial. Nous devons montrer que démocratie ne rime plus avec faiblesse et qu’Europe ne rime plus avec impuissance. C’est tout le sens du travail que nous avons mené ensemble de manière transpartisane, avec la commission spéciale sur les ingérences étrangères depuis son instauration en septembre 2020.
Nous comptons sur vous, nous comptons sur la Commission, nous comptons sur les États membres, mais nous comptons aussi sur nous-mêmes pour protéger nos démocraties. C’est la mission la plus sacrée d’un parlementaire: protéger cette maison qui nous permet d’exprimer nos différences, la protéger contre des régimes qui suppriment chez eux les libertés et qui entendent les malmener chez nous.
Chers collègues, nous sommes forts et nous serons puissants si nous décidons de l’être. Le moment est venu de décider de l’être.