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Il semblerait donc absurde de déstabiliser le Président Saïed qui, aux prises avec une situation économique et sanitaire difficile, tente également de maintenir le cap face aux assauts des partis islamistes. Il faut en effet saluer son programme réformiste audacieux, marqué notamment par une lutte vigoureuse contre la corruption. La relance de la production de phosphate, pilier de l’économie tunisienne, offre également enfin un espoir de reprise tangible à ce pays.
Dans ce contexte, la décision du Président d’invoquer l’article 80 de la constitution tunisienne peut être contestable, mais elle ne saurait occulter ni ce bilan, ni son indéniable assise populaire. Ainsi, l’Union européenne ne doit pas contribuer, par une ingérence malavisée, à l’affaiblissement d’un pays gage de stabilité dans une région travaillée par des tensions multiples, de la crise libyenne au conflit sahélien, et, par ailleurs, au cœur de la crise migratoire actuelle.
– Madame la Présidente, chers collègues, le peuple tunisien a décidé en 2011, par une révolution que le monde entier a admirée, d’instaurer un régime démocratique. L’Union européenne l’a soutenu dans ce choix. Dix ans après, les promesses de la révolution n’ont, hélas, pas été tenues. La situation économique et sociale de la Tunisie s’est fortement dégradée et d’énormes manifestations ont dénoncé une corruption endémique.
Je comprends que, face à ce chaos, le président Saïed ait décidé de réagir. Élu avec plus de 72 % des voix, il dispose de la légitimité démocratique pour le faire. Vu d’Europe, les moyens qu’il a employés sont certes surprenants: prise des pleins pouvoirs le 25 juillet, suspension de la Constitution le 22 septembre. Mais je veux croire que l’objectif du président Saïed est, comme il le dit, d’instaurer le plus vite possible une démocratie débarrassée de la corruption. Et je ne doute pas qu’un agenda politique véritablement démocratique sera dévoilé prochainement avec l’annonce de l’élaboration d’une nouvelle Constitution, puis l’organisation d’élections.
Confiant dans les capacités du peuple tunisien à prendre en main son destin et respectueux de sa souveraineté, je lui souhaite bonne chance et l’assure de mon amitié et de mon soutien.
On a un nouveau gouvernement, il est dirigé par une femme, cela a été dit, Mme Najla Bouden Romdhane. C’est une première étape, mais ça ne peut être qu’une première étape. Parce que, évidemment, la concentration du pouvoir dans les mains d’un seul homme, fût-il soutenu par la majorité de la population, ce n’est jamais sain, ce n’est jamais bon.
Et je crois que la Tunisie, évidemment, a besoin d’un nouveau processus électoral. Et pour ça, les Tunisiens, le peuple tunisien, a notre confiance, il a notre amitié parce que nous connaissons la vigueur des forces vives de la société tunisienne: les ONG, les mouvements féministes, le syndicat UGTT, qui a joué un rôle primordial pour la Tunisie, pour la mener vers la paix civile et le renouveau politique.
Pour surmonter ces crises, la Tunisie et le peuple tunisien peuvent compter sur le soutien indéfectible du Parlement européen, des agences de l’Union, du groupe de soutien à la démocratie et de coordination des élections. Bref, tout cela fait qu’on a envie aujourd’hui d’aider la Tunisie, mais surtout pas de la sanctionner. Aider ce pays, ça veut dire aussi amplifier l’aide économique, amplifier l’aide sociale. Surtout pas sanctionner, mais aider le peuple tunisien qui en a bien besoin. Parce que nos liens sont indéfectibles. Ça a été rappelé et il ne faut jamais l’oublier dans ce Parlement.
– Madame la Présidente, aujourd’hui c’est l’automne de la démocratie en Tunisie et, pourtant, il est loin le printemps, celui de la révolution de jasmin. Pourtant, dix ans seulement se sont écoulés. Aujourd’hui, le Parlement tunisien est suspendu. Le président Kaïs Saïed décide seul de plus en plus de choses. De plus en plus seul. Alors, bien sûr, nous nous élevons, nous déplorons, nous regrettons. Nous condamnons ce que nous voyons et que nous ne comprenons pas.
Mais où étions-nous? Où était l’Union européenne lorsque le Parlement tunisien virait à la pétaudière, bagarre dans l’hémicycle incluse? Que disions-nous quand, il y a tout juste un an, un député islamiste tunisien justifiait la décapitation d’un professeur français, Samuel Paty, au prétexte qu’il aurait blasphémé?
Au peuple tunisien, si courageux et si déboussolé, à la société civile tunisienne, si active et si déterminée, aux jeunes Tunisiens, qui votent avec leurs pieds en tentant de traverser la Méditerranée au péril de leur vie, nous donnons beaucoup de leçons, mais nous n’avons pas encore trouvé le moyen de leur donner ce qui leur manque le plus: l’espoir.
Comme partout où les disciples des Frères musulmans ont dirigé, le résultat a été catastrophique. L’appauvrissement, la gabegie, la corruption ont constitué le bilan d’Ennahdha et l’implosion politique guettait depuis longtemps. Comme partout, les printemps arabes n’ont accouché que d’une catastrophe sociopolitique. Tous les observateurs étaient particulièrement inquiets. Les plus sérieux ont donc accueilli avec un immense soulagement l’élection et les décisions de Kaïs Saïed.
Kaïs Saïed, c’est l’inverse des islamistes, ceux qui, en baskets, vendent à la Turquie et ne sont pas capables de lire le Coran. Il parle l’arabe littéraire, il a emporté la dernière présidentielle avec plus de 70 % des voix et j’avoue reconnaître qu’il développe des arguments souverainistes. Je constate que son nouveau gouvernement compte beaucoup de femmes, dont la Première ministre. Le Parlement européen devrait s’en réjouir. Au lieu de cela, visiblement, certains préfèrent relayer la propagande des Frères musulmans. Ils voudraient que l’état de droit profite aux partis islamistes. Ils continuent à soutenir les solutions qui ont plongé la Tunisie dans ce déclin économique et accéléré les flux migratoires.
Une Tunisie forte et prospère serait un atout pour les États membres de l’Union. Laissons sa chance à ce nouveau gouvernement qui a toutes les qualités pour redresser la Tunisie en retrouvant la voie d’une démocratie efficace au service de sa population.
C’est pour cela que, dans notre résolution: nous rappelons tout le chemin que la Tunisie a parcouru depuis 2011, seul pays du Maghreb à avoir réussi à prendre la voie de la démocratie; nous exprimons notre inquiétude; et nous demandons au président une feuille de route claire.
Je comprends la défiance du peuple tunisien face à un Parlement bloqué qui n’a pas su faire face à la crise économique, sociale et sanitaire. Mais je ne peux pas croire qu’il aspire à un retour en arrière. J’entends qu’une partie de la population tunisienne a confiance en son président, mais cette confiance ne peut pas se substituer à long terme au bon fonctionnement d’institutions indépendantes.
Comme le disait Jean Monnet: «rien n’est possible sans les hommes – et je rajoute les femmes –, mais rien n’est durable sans les institutions». Je suis fière d’être la rapporteure pour mon groupe sur la Tunisie. Ce pays si courageux, qui a fait le pari de la démocratie et qui a gagné à travers le Quartet le prix Nobel de la Paix en 2015.
Nous vous soutiendrons toujours dans ce combat, car l’enjeu est important et le chemin parcouru précieux. Vive la démocratie tunisienne!