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– Madame la Présidente, Madame la Commissaire, chers collègues, le racisme est une réalité qu’il faut combattre, mais ce combat doit être mené au nom de nos valeurs, notamment d’égalité, et non en invoquant une pensée communautariste d’origine américaine.
Or, que constate-t-on aujourd’hui? Sous prétexte de lutter contre le racisme, le rapport Yenbou cautionne les préjugés et les idéologies à la mode les plus délétères. Selon ce rapport, un racisme structurel gouvernerait les institutions des États européens. Il s’exprimerait notamment par des violences policières dont les victimes seraient, je cite, persécutées par les autorités publiques. Les médias et les programmes scolaires seraient eux aussi coupables de diffuser des stéréotypes racistes, entretenus notamment par le souvenir de la colonisation.
Cette analyse apocalyptique est le fruit de l’idéologie «woke», à laquelle le rapport se rallie sans vergogne. Rien n’y manque: ni l’apologie des prétendues communautés racialisées, ni le paradigme de l’approche intersectionnelle, ni la haine de notre civilisation, qui le conduit à demander qu’on réécrive les livres d’histoire. Le déboulonnage des statues n’est pas loin.
Le paradoxe est que, bien loin de combattre le racisme, cette idéologie «woke» cède à une nouvelle forme de racisme qui consiste à enfermer l’individu dans son ethnie d’origine en lui ôtant l’espoir de se fondre dans sa nation. Là où la Révolution française promettait à chaque individu la liberté, l’émancipation grâce à la citoyenneté, le «wokisme» cède au déterminisme des caractéristiques biologiques et promeut un monde crépusculaire de communautés raciales vouées à un affrontement sans fin.
Je proteste vigoureusement contre ce nouvel obscurantisme qui est en train de conquérir le Parlement européen. Chers collègues, je vous exhorte, au nom des Lumières qui ont façonné notre idéal, à résister à son offensive.
«Dis papa, c’est quoi le racisme?» «Le racisme est un comportement assez répandu, commun à toutes les sociétés, devenu, hélas!, banal, parce qu’il arrive qu’on ne s’en rende pas compte. Commun, assez répandu, oui; normal, non.»
C’est ainsi que débute le roman pédagogique de l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun,
On peut partir d’un livre, on peut partir d’un film, d’une chanson, d’un mot prononcé par un enseignant ou d’un geste de son adversaire sur un terrain de sport, des nouvelles d’un journal ou d’une émission médiatique... Mais du racisme, il faut en parler. Et surtout, il faut agir.
Le racisme et les discriminations fondées sur l’origine ethnique, en Europe comme ailleurs, sont un problème documenté, identifiable et indéniable, qui n’est pas simplement le résultat d’un comportement et de préjugés individuels, mais qui est plus profondément ancré de manière structurelle dans notre société. Et vu que le racisme est partout, nous devons ainsi intégrer la lutte contre le racisme partout, dans toutes les politiques de l’Union. Le travail est énorme et prendra du temps, mais nous l’avons commencé.
Il est possible d’élaborer des politiques mieux informées et plus ciblées, fondées sur des bases solides et sur des éléments factuels. Pour ce faire, la collecte de données sur l’égalité, dans le respect de la vie privée et des droits fondamentaux, est nécessaire. Le droit de l’UE l’autorise déjà et le récent manuel de la Commission en propose des lignes directrices.
L’éducation, les expériences culturelles et sportives et les informations que nous recevons par l’intermédiaire des médias sont des vecteurs qui façonnent et inspirent les changements sociétaux et comportementaux. Ce sont des domaines qui touchent à la vie de tous les citoyens et citoyennes de l’Union européenne et qui ont la capacité unique de toucher chaque individu en donnant un contexte et un sens à nos interactions quotidiennes. Ce sont aussi des domaines où la représentation de la diversité revêt une grande importance, notamment pour encourager les individus d’origines ethniques différentes, et notamment les jeunes, dans la poursuite de leurs propres objectifs personnels et collectifs.
Comme disait Marian Wright Edelman, une activiste pour le droit des enfants, «on ne peut être ce que l’on ne voit pas». C’est pourquoi nous devons exploiter le pouvoir de la culture, de l’éducation, des médias et des sports, en s’appuyant sur les valeurs européennes de tolérance, d’équité et de solidarité, pour nous engager dans une lutte active contre le racisme et que nos filles et nos fils n’aient plus à se demander s’ils ont leur place dans nos sociétés.
Pour avancer et construire un avenir meilleur, nous devons connaître et comprendre notre passé. C’est pourquoi j’ai mis l’accent sur la nécessité pour nos élèves d’apprendre plus sur le colonialisme, l’esclavage, les génocides et tout ce qui en découle, d’avoir une plus grande représentation d’auteurs et d’autrices, d’historiens et d’historiennes et d’autres figures dans le matériel pédagogique.
Un nouvel élan pour la restitution d’œuvres d’art et d’objets culturels spoliés est aussi une étape nécessaire et très symbolique dans la lutte contre le racisme, en concertation avec les pays d’origine hors Union européenne. Il s’agit avant tout de reconnaître leur histoire et la nôtre, de leur rendre les objets de leur propre identité culturelle pour se raconter en faisant renaître la culture que nos prédécesseurs ont honteusement tenté d’effacer.
Nous avons également besoin de sanctions plus strictes pour les médias qui publient ou diffusent des contenus racistes. Je parle là d’émissions modernes qui utilisent des stéréotypes. Je parle de langage grossier et de désinformation sur les minorités, les immigrants et les réfugiés. Je parle de contenus qui ont l’intention et la portée d’être racistes. C’est à ce type de contenu que je m’attaque.
Enfin, pour le sport, nous demandons la rédaction de recommandations ou lignes directrice européennes pour soutenir les associations sportives à tous les niveaux, du club sportif du quartier à la fédération nationale, dans la lutte contre le racisme et la promotion du fair-play, invitant ainsi les sportifs, mais aussi la communauté entière à l’inclusion et au respect mutuel.
Avant de conclure, permettez-moi d’expliciter un élément crucial de ce texte qui me semble être implicite. Le terme «race» n’implique en aucun cas l’acceptation ou l’approbation de théories qui cherchent à justifier l’existence de races biologiquement distinctes. Tous les êtres humains sont fondamentalement égaux et ils doivent être traités comme tels. Cependant, nier l’existence d’un certain nombre de communautés en déclarant qu’«il n’y a qu’une seule race, la race humaine», reviendrait à effacer des siècles d’oppression et de discrimination dont certains ont été et continuent d’être victimes.
Parvenir à l’égalité et à la justice raciales signifie surmonter le déséquilibre du pouvoir et faire en sorte que les principes d’égalité et de justice s’appliquent à tous les êtres humains, indépendamment de leur apparence ou de leurs origines. Nous saurons que ces objectifs ont été atteints lorsque, partout en Europe et dans le monde, personne ne ressentira plus le besoin de se justifier, de justifier sa propre existence, sa propre identité.
«Donc, pour lutter contre le racisme, il faut s’inviter les uns les autres», suggère la fille de Tahar Ben Jelloun. «C’est une bonne idée», lui répond son père. «Apprendre à se connaître, à se parler, à rire ensemble, essayer de partager ses plaisirs, mais aussi ses peines. Montrer que nous avons souvent les mêmes préoccupations, les mêmes problèmes. C’est cela qui pourrait faire reculer le racisme.»