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Le problème est que certains États européens ne l’ont pas correctement appliquée. Le rapport Manders a donc raison de le constater et de s’en inquiéter. Chaque État aurait par exemple dû tenir à jour et publier un registre spécifique des incidents constatés. Or, sur les 27 États membres, seuls sept ont un registre public, quatre autres ont un registre non public et les seize qui restent n’ont pratiquement rien. Face à un tel constat, on doit choisir entre deux solutions: une raisonnable et une radicale.
Je suis partisan de la solution raisonnable. Elle consiste à modifier la directive de 2004 pour la clarifier et permettre ainsi aux États de l’appliquer plus facilement. Il faut notamment mieux définir les concepts de dommage environnemental et d’exploitant, qui sont trop flous et ne permettent pas d’assurer aux entreprises le minimum de sécurité juridique auquel elles ont droit.
Il faut aussi demander aux États de renforcer leurs services d’inspection chargés de l’environnement, dont les moyens sont souvent limités et ont diminué ces dernières années. Il est vrai que l’Union européenne a une grosse part de responsabilité dans cette diminution puisqu’elle n’a cessé, tel un médecin de Molière, de prescrire la saignée des services publics, au nom du dogme de l’austérité ultralibérale.
Il faut enfin que le texte soit raisonnable et qu’il prévoit des mécanismes de garantie financière, pour éviter de ruiner les PME responsables de dommages environnementaux. En ces temps économiques difficiles, la protection de nos PME doit être une priorité.
Le rapport Manders évoque tout cela, mais il choisit finalement la solution radicale qui consiste à remplacer la directive par un règlement qui ne tiendra pas compte des spécificités nationales. D’autre part, il propose d’étendre le mandat du parquet européen aux infractions contre l’environnement, ce qui transformerait le système en une écologie punitive dont je ne veux pas. Pour ces deux raisons, centralisation excessive et écologie punitive, je refuse de soutenir le rapport Manders.
Lactalis, c’est cet immense groupe laitier qui produit des aliments que nous connaissons tous: le beurre Président, les Babybel et les Kiri. Lactalis, c’est aussi 38 usines en France qui ont violé le droit de l’environnement depuis 2010, empoisonné nos rivières, détruit les écosystèmes et menacé notre santé. Lactalis récidive tous les ans, mais l’État lui donne un blanc-seing. Il lui a même offert pas moins de 40 millions d’euros d’aides publiques en 20 ans, autant de millions offerts aux actionnaires qui manquent cruellement à la protection de la planète.
Face aux multinationales qui détruisent la planète et aux gouvernements qui les laissent faire, imposons de nouvelles règles. La reconnaissance de l’écocide et la mise en œuvre d’un devoir de vigilance environnemental. Nous ne pouvons plus laisser ces crimes impunis. Protégeons l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et le sol qui nous nourrit. Face à cette course au profit qui nous détruit, visons au contraire un autre but: l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature.
Le pétrole déversé dans le delta du Niger a endommagé la biodiversité, les moyens de subsistance et la santé des populations de la région. La multinationale a été condamnée à indemniser les fermiers nigérians. C’est historique: les choses bougent. Mais treize ans! Treize ans, c’est trop! Les responsables de telles catastrophes doivent être condamnés et suffisamment sanctionnés si nous voulons éviter qu’elles se répètent.
Le rapport que nous votons pointe les lacunes de la directive sur la responsabilité environnementale. La Commission doit proposer une réforme profonde de ce texte, en élargissant sa portée et en garantissant aux victimes un accès effectif à la justice. Il faut s’assurer de faire du principe du pollueur-payeur une réalité, et plus une fiction, en Europe comme ailleurs. L’Union européenne a une responsabilité particulière: empêcher que nos actions et celles de nos entreprises causent des dommages environnementaux à l’international.
La législation européenne à venir sur le devoir de vigilance est l’occasion d’introduire des mécanismes de responsabilité efficaces, pour que les maisons mères soient tenues responsables des activités de leurs filiales dans les pays hors de l’Union européenne. L’Union européenne doit faire de la lutte contre les crimes environnementaux une de ses priorités politiques sur la scène internationale. La Cour pénale internationale doit pouvoir juger pénalement les actes criminels qui constitue un écocide. L’Union européenne a l’occasion historique d’être chef de file sur la scène internationale, en reconnaissant l’écocide si crucial pour protéger les droits humains, l’environnement et la biodiversité.
Nous devons ouvrir les yeux. La recherche incessante de l’intérêt économique de court terme détruit le vivant et met en danger la capacité de l’humanité à habiter notre planète. Le pouvoir de l’argent ne doit plus l’emporter sur la nécessité de protéger le vivant. C’est pourquoi le sujet qui nous réunit aujourd’hui, celui de la responsabilité environnementale, est absolument crucial.
Pour ne citer qu’elles, les entreprises Total, Shell, Bayer-Monsanto, mais aussi BNP Paribas ou BlackRock n’ont encore aujourd’hui aucune obligation réelle de protéger le climat et le vivant ou de respecter les limites planétaires. 100 entreprises seulement sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1988 et 2015; aucune n’en est tenue responsable. En Guadeloupe et en Martinique, 90 % de la population est contaminée par le chlordécone; nulle responsabilité n’a encore été reconnue. Les premiers impactés sont toujours les travailleurs, ouvriers agricoles en Guadeloupe et en Martinique, ouvriers encore qui subissent les poussières de mines ou les poussières d’amiante, femmes de chambre contraintes d’utiliser des produits toxiques. Le profit, quant à lui, coule dans les poches d’entreprises trop rarement soumises à des obligations de réparation.
Alors pour le climat et pour la justice, nous appelons aujourd’hui à reconnaître la valeur intrinsèque des écosystèmes et leur droit à être protégés: un pas de géant pour les droits de la nature en Europe. Nous appelons à contraindre les entreprises à respecter l’accord de Paris, mais aussi à reconnaître le crime d’écocide, ces graves atteintes à la planète toujours impunies, dès aujourd’hui et sans attendre dans le droit européen.
Les lois de l’économie ne sont pas au-dessus des lois de la nature. Si nous voulons préserver le climat, le vivant et nos droits, nous devons transformer en profondeur les règles régissant la responsabilité environnementale. Je remercie le rapporteur et mes collègues pour le travail effectué à cet égard.