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– Monsieur le Président, «pas essentiel», voilà l’expression avec laquelle on a condamné la culture en France comme dans beaucoup de nos pays.
La crise du coronavirus, comme toute crise, a agi comme un révélateur et elle a montré ce que nos sociétés, nos dirigeants regardaient comme absolument nécessaire ou comme absolument superflu. Pas essentiels le livre et la lecture. Pendant des mois, les bureaux, les supermarchés, les tabacs sont restés ouverts mais les librairies fermées. Pas essentiels les théâtres et les cinémas. Nous pouvons débattre dans cet hémicycle, heureusement, mais les artistes n’ont pas le droit de retrouver la scène. Pas essentiels les œuvres, les sites historiques, le patrimoine de l’Europe. Les galeries marchandes seraient-elles plus sûres que les galeries de nos musées fermés à 90 %? Plus rentables, sans doute, c’est certain.
Comme si les seuls besoins essentiels étaient matériels, comme si seule la consommation immédiate était une urgence vitale, tout ce que nous a pourtant appris la civilisation qui a fait l’Europe, c’est que la vraie vie commence par la vie de l’esprit et si nous n’y trouvons pas le sens de l’existence, alors pourquoi nous battre autant pour la santé des corps?
La crise que nous vivons menace la vie déjà fragile de notre tissu culturel et frappe de plein fouet ceux qui en sont l’âme: comédiens, musiciens, guides conférenciers, éditeurs, artisans, des milliers d’entre eux ont déjà été contraints de changer aujourd’hui de métier. Avec eux, ce sont des talents, des promesses, des savoir-faire indispensables qui risquent de se perdre.
Ce que l’année européenne du patrimoine devrait servir à réaffirmer, c’est que nous sommes l’Europe, le vieux continent, celui qui, disait Steiner, a pour caractère propre d’être habité par son histoire et son patrimoine. De fait, l’Europe doit aujourd’hui consacrer une partie de son budget au patrimoine culturel, ce n’est pas encore le cas, c’était un projet pour la campagne européenne, c’est désormais une urgence si nous voulons ouvrir les yeux, c’est le seul véritable essentiel.
Nous ne pouvons laisser notre patrimoine culturel à l’abandon. Les plans de relance nationaux et REACT-EU doivent y apporter des financements au plus vite, les fonds régionaux peuvent et doivent également être mobilisés. Les instruments et les budgets sont là, il ne manque plus que la volonté politique des exécutifs: de la Commission, des États et des régions.
Alors, tirons parti de la dynamique et du succès de l’Année européenne du patrimoine culturel, à mon avis trop peu exploités, en construisant une véritable stratégie européenne du patrimoine, en le valorisant, en le rendant visible, en mobilisant les technologies numériques et en montrant qu’il est un bien commun en perpétuelle évolution, patrimoine d’hier et de demain. Il est clé pour notre économie, pour l’économie de nos régions mais surtout il est indispensable pour rendre compte de notre diversité et de notre richesse culturelle européenne. Pour montrer combien nous sommes liés.
La semaine dernière, un acteur du secteur culturel du voisinage du Sud me disait: «maintenant vous comprenez ce qu’est la vie sans culture». Il avait raison. Cette crise pandémique sans précédent nous a rappelé à toutes et tous la valeur essentielle de la culture pour faire société, pour accepter les différences, pour construire des liens sociaux, pour voir le monde autrement, pour découvrir l’autre que soi.
Mais une nouvelle fois, nos collègues de l’extrême droite s’érigent contre le projet d’une culture hétérogène, non hiérarchisée, partagée et inclusive. Je suis particulièrement fière d’avoir déposé un amendement visant à l’inclusion du patrimoine culturel et linguistique des minorités présentes en Europe dans toute réflexion sur le patrimoine européen.
Le patrimoine culturel est un bien commun, un bien commun universel et multiculturel. La culture est un pont entre les peuples, entre les sociétés. Elle doit permettre de guérir les plaies du passé et de créer les fondations du futur: cela doit nécessairement passer par la reconnaissance et le respect des autres cultures, notamment par la restitution des biens volés ou spoliés pendant les vagues de colonisation.
Nos relations culturelles sont le reflet de nos sociétés et de nos identités. J’invite mes collègues à travailler ensemble et avec courage pour engager une réflexion profonde sur notre histoire, les mémoires et le passé colonial, ainsi que sur notre présent et surtout sur l’avenir commun que nous devons construire les uns avec les autres, car comme le disait si bien Richard Hoggart «Aucune culture n’est l’entière vérité».
Nous sommes tous d’accord sur le fait que la culture et le patrimoine culturel de nos peuples et de nos nations sont des trésors hérités de notre passé, et qui témoignent de l’histoire et des traditions européennes. Il s’agit de nos valeurs qui puisent leurs racines dans la philosophie grecque, le droit romain, la religion chrétienne, la Renaissance et les Lumières.
Un peuple qui ignore son histoire est un peuple qui ne sait pas où il va. Nous devons nous opposer fermement à cette pseudo-culture en provenance d’outre-Atlantique, cette «cancel culture» qui, comme son nom l’indique, veut faire table rase de tout ce qui constitue notre identité!
Déjà entre 2002 et 2006, la question des racines chrétiennes de l’Europe avait été au centre du débat sur le projet de Constitution européenne, car les partisans de l’entrée de la Turquie dans l’UE s'étaient évertués à exclure cette référence dans le texte final, obtenant du reste gain de cause. Ce fut une erreur historique et politique majeure. Ayons à cœur aujourd'hui de ne pas la répéter !