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– Madame la Présidente, Monsieur le Président, je veux tout d’abord vous dire ma satisfaction sur la question du maintien du mécanisme de l’état de droit. Et merci de l’avoir lié à l’enjeu budgétaire, ça a été dit et répété à plusieurs reprises. Il eût été inconvenant et inacceptable que deux chefs d’État et de gouvernement, fussent-ils polonais ou hongrois, viennent fragiliser le cœur de l’édifice européen sur ses valeurs, sur nos valeurs communes.
Merci à vous, Madame la Présidente, d’avoir tenu tout à l’heure vos propos introductifs, dans lesquels vous disiez faire respecter, dès le 1er janvier 2021, les règles de l’état de droit. C’est important et nous avions besoin de l’entendre aujourd’hui, parce que ce déblocage a permis d’adopter le paquet budgétaire.
Sur le cadre financier pluriannuel – vous le savez, je me suis exprimé à plusieurs reprises –, j’aurais espéré un budget encore plus conséquent pour répondre aux enjeux climatiques. Et ce budget va dans le bon sens: 30 % dirigés vers le climat, 10 % à terme dirigés vers la biodiversité. J’émets ici le vœu que la présidence portugaise puisse réorienter la politique agricole commune dans cette direction-là, celle du climat et de la biodiversité, et qu’elle prenne en compte les enjeux environnementaux et les enjeux sociaux de cette politique agricole commune.
Et puis il y a le plan de relance: 750 milliards d’euros. Voir précisément ce qu’il en est de son mécanisme, qui illustre bien la solidarité européenne. Le mécanisme est différent pour l’attribution des fonds et pour le remboursement des fonds. Là aussi, c’est au cœur du projet européen.
Et enfin, dire combien je suis heureux de voir que la porte s’ouvre pour les ressources propres. Bien sûr, l’objectif n’est pas atteint tel que nous l’espérions. Mais le combat sur les ressources propres, et en particulier celui sur la taxe sur les transactions financières, doit se poursuivre. Il est là, l’avenir de l’Union européenne. C’est l’Europe de demain qui l’illustrera à travers la question des ressources propres.
– Mesdames et Messieurs les Présidents, chers collègues, le plan de relance européen va injecter des centaines de milliards d’euros dans les économies des États membres de l’Union, mais il ne s’agit pas d’argent magique: les sommes empruntées devront être remboursées.
Pour financer ce gigantesque emprunt, l’Union a donc décidé de recourir à des ressources propres, c’est-à-dire à des taxes dont les produits tomberont directement dans ses caisses, sans passer par les budgets des États. Au-delà de son aspect purement financier, l’opération poursuit donc un but très politique: rendre l’Union plus autonome, moins dépendante des décisions budgétaires des États. C’est donc un pas en avant très important vers la transformation de l’Union en État fédéral. La souveraineté européenne, chère au président Macron, est en marche.
Je condamne fermement cette dérive, car je suis partisan d’une Europe démocratique, respectueuse des identités et des souverainetés des nations, et non de cet étrange modèle technocratique d’un État sans nation et d’une souveraineté sans peuple. Je pense être en l’occurrence le porte-parole de la majorité du peuple français, dont je rappelle qu’il a refusé par référendum en 2005 le projet de Constitution européenne.
Je regrette enfin qu’on gâche au passage deux bonnes idées, celle de la création d’une taxe GAFA sur les géants du numérique, et celle d’une taxe carbone perçue sur les importations de biens polluants. J’aurais soutenu ces taxes si leurs produits étaient tombés dans les budgets des États membres conformément à ma vision de l’Europe.
Sur la démocratie, d’abord. Vous vous présentez en chevaliers des droits humains protégeant l’Europe contre les forces du mal. Mais alors que notre Parlement avait exigé un mécanisme indispensable pour faire respecter l’état de droit, vous avez cédé du terrain face au chantage de l’extrême droite en acceptant de le repousser et de l’affaiblir. Le Petit Chaperon rouge s’est fait manger par le loup Orbán. Le répit accordé à la Hongrie et à la Pologne fera jurisprudence pour tous ceux qui s’engagent sur le chemin d’une dérive autoritaire, comme la France de Macron qui organise l’impunité des violences policières et remet brutalement en cause les libertés de culte, d’association et d’information avec ses lois sur la sécurité globale et le séparatisme.
Sur la crise sociale, ensuite. Il était une fois les Rois mages, Emmanuel Macron et Angela Merkel, couvrant de présents les peuples européens reconnaissants. Mais franchement, quelle déception auront-ils à l’ouverture des cadeaux au pied du sapin? Le cache-misère de 16 milliards d’euros n’y fera rien: le budget pluriannuel perd plus de 200 milliards par rapport aux demandes de notre Parlement et reste même bien en deçà de la proposition initiale de la Commission. Autant de nouveaux investissements en moins pour l’agriculture, l’éducation, la recherche, l’écologie, la santé. Le plan de relance, lui, est conditionné à l’application des recommandations austéritaires et néo-libérales du Semestre européen. La taxe sur les transactions financières, comme toute initiative visant à faire payer les profiteurs de crise, est envoyée aux calendes grecques. Bref, l’emballage coloré cache surtout des cadeaux empoisonnés du Père Fouettard.
Mais la fable ne s’arrête pas là. Sur le climat, vous nous contez l’aventure extraordinaire d’une Union européenne à l’avant-garde d’une noble quête pour la sauvegarde de la planète. Mais votre objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 est déjà inférieur à ce que le Parlement avait adopté. Pire, il est également incompatible avec les accords de Paris qui nécessitent, selon les scientifiques, une cible d’au moins 65 %. Sans parler, bien sûr, de vos bidouillages comptables permettant de déduire les puits de carbone, comme les forêts, tout en ignorant l’empreinte climatique de nos importations. Bref, un beau tour de magie.
Sur les droits humains, sur la crise sociale, sur le climat, il était donc une fois l’Union européenne se rêvant héroïne, ambitieuse et progressiste, bataillant fièrement dans le camp des gentils face aux méchants. Mais franchement, plus personne n’a envie de se laisser endormir par le marchand de sable européen avec ce joli conte éculé, même à Noël. Et j’ai un scoop pour vous: cela fait bien longtemps que nous ne croyons plus au Père Noël libéral. Alors oui, cessez de nous traiter comme des enfants.
– Madame la Présidente, les conclusions du Conseil laissent le goût amer de quelques questions non résolues. Nous nous trouvons devant un plan de relance, mais ce plan de relance pose lui aussi beaucoup de problèmes.
D’abord, un problème économique, car nous créons une nouvelle dette dans un environnement instable.
Ensuite, un problème de justice à l’égard des générations futures, parce que cet accord ne fixe pas les conditions du remboursement – et, Monsieur le Président du Conseil, ce n’est pas vous faire insulte que de considérer que, dans sept ans, il y a peu de chances que vous soyez encore là. Est-ce vraiment de la générosité que de s’accorder sur une dette que nous laissons à nos successeurs le soin de régler?
Enfin, un problème démocratique majeur, parce que j’entends les députés du groupe libéral en face de nous, le groupe de M. Macron, qui étaient à l’initiative et qui se réjouissent et applaudissent que cette intégration budgétaire supplémentaire ouvre la voie à un État fédéral européen. Mais les citoyens européens sont-ils au courant de cela? Entendent-ils vos applaudissements? De fait, il y a là un problème majeur parce que tout cela n’est pas assumé démocratiquement devant les citoyens de nos pays. Il y a fort à parier, malheureusement, qu’au lieu de créer une forme de solution à la crise économique, ce plan de relance contribue à ouvrir le nouveau champ d’un problème démocratique.
Nous avons devant nous une tâche majeure, qui est celle de faire en sorte qu’au moins un peu de rationalité économique, industrielle, soit affectée à ce plan. Madame la Présidente de la Commission, nous comptons sur votre travail pour faire en sorte que cet argent soit investi avec le souci de la prospérité future qu’il permettra de dégager, de manière à ce que ceux qui nous suivront demain puissent faire de ce plan de relance au moins l’occasion de conforter les économies dont ils auront besoin pour assumer la charge supplémentaire que nous sommes en train, une fois de plus, de leur transférer.
– Madame la Présidente, Monsieur le Président, chers collègues, contrairement à Mme Aubry, je suis confiante: l’Europe va se mouvoir en puissance budgétaire le temps de cette relance. Soyons-en fiers, car c’est le résultat de la volonté de ceux qui y croient, c’est le résultat de la volonté des pro-européens. C’est aussi notre résultat, ce budget, ce calendrier pour les ressources propres: Johan, José Manuel, Jan, Margarida, Rasmus, merci à vous.
Cependant, chers amis, nous devons rester lucides. L’Europe est tiraillée de l’intérieur. Elle est tiraillée de l’intérieur à cause de ceux qui veulent s’affranchir des règles communes, mais qui acceptent volontiers notre argent – ça, il n’y a pas de problème.
Je vais être très claire sur l’état de droit. J’entends l’extrême droite et les pourvoyeurs de
Et des sujets qui fâchent, il y en aurait beaucoup: 1) la complaisance de l’Union européenne face à l’arrogance turque; 2) les contrats établis par la Commission européenne pour l’achat de vaccins et dont personne ne connaît ni le prix négocié, ni les clauses exonératoires de responsabilité dont bénéficieraient les sociétés pharmaceutiques; 3) la question de la mutualisation de la dette de l’Union européenne prévue dans le plan de relance et une méthode de financement exclue de manière explicite par les articles 310 et 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et par l’article 17 du règlement financier.
En revanche, on préfère attirer l’attention du public sur les présumées violations de l’état de droit en Pologne et en Hongrie, alors qu’on ferme les yeux sur le fait que le président de la soi-disant république du Kosovo, l’interlocuteur privilégié de l’Union européenne pendant des décennies, vient d’être inculpé et incarcéré pour crimes contre l’humanité! Deux poids, deux mesures?
– Madame la Présidente, chers collègues, les négociations ont abouti à cette proposition d’accord qu’il nous appartient ou pas de valider. Pour moi, il y a deux enseignements.
Le premier, c’est que le Parlement européen a pris la mesure de ses responsabilités en réfléchissant à un budget qui soit puissant, avec des ressources propres puissantes et avec un contrôle démocratique. Donc, le Parlement a fait son travail.
Le second, c’est que le Conseil, c’est-à-dire les États, n’a pas été à la hauteur de cette ambition que portaient les députés européens. Or, sans un budget puissant, financé par une fiscalité juste – la taxe sur les transactions financières, la taxe sur les GAFAM, la taxe carbone avec un volume suffisant –, l’Europe demeurera un géant aux pieds d’argile et son avenir sera menacé.
Dans les temps qui viennent, il sera temps que le Parlement prenne toute la mesure du pouvoir qui doit être le sien et que le Conseil et les États qui le composent cessent d’être des obstacles à l’épanouissement de l’Union.
– Madame la Présidente, en mai dernier, Mme la Présidente de la Commission a affirmé que tôt ou tard nos scientifiques trouveront un vaccin contre le coronavirus, mais que, contre le changement climatique, il n’existe aucun vaccin. Existe-t-il un vaccin contre ces maladies que sont l’autoritarisme et le populisme? Je ne sais pas, mais je suis persuadé que la démocratie et l’état de droit sont aussi vitaux que l’air que nous respirons. Parce qu’il y a aussi une urgence démocratique au sein de notre Union.
Mettons alors en œuvre sans attendre le règlement sur l’état de droit. Soyons fiers de cette avancée majeure pour laquelle nous nous sommes tous battus durement pendant des mois – tous sauf M. Bellamy, si j’ai bien entendu.
Vous avez été très claire ce matin, Madame von der Leyen: il est de votre devoir de mettre en œuvre la loi européenne sans renvoi, sans suspension, sans autres
Et, enfin, chers collègues, arrêtons avec les menaces de veto. C’est là une raison de plus pour démarrer au plus vite la conférence sur l’avenir de l’Europe.