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– Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, les opinions publiques ont entendu il y a neuf mois que l’Europe mettait en place un plan de relance massif et inédit, d’un montant de 750 milliards d’euros. Nous le savons, cet argent ne tombe pas du ciel et la procédure pour l’enclencher est inévitablement complexe. Pas un seul euro ne sera d’ailleurs versé tant que tous les parlements nationaux n’auront pas validé ce plan de relance – et seuls 13 États membres l’ont fait à ce stade.
Mais attention, je le dis clairement: si, un an après les annonces de juillet dernier, les peuples européens ne voyaient rien venir d’ici l’été, c’est l’image de l’Europe qui serait mise à mal. Veillons d’urgence à ne pas renouveler avec le plan de relance le mauvais scénario de la commande européenne des vaccins, c’est-à-dire des annonces fortes sur le moment et une très grande déception dans la mise en œuvre.
Je propose donc, concrètement, que la Commission européenne raccourcisse les délais de validation afin qu’avant l’été, l’argent promis soit déjà partiellement versé aux États et, à travers eux, aux entreprises et aux citoyens qui en ont le plus besoin. Si la tuyauterie de Bruxelles s’avérait trop longue et trop lourde, ce serait malheureusement un nouveau coup de canif porté à ce très beau projet qu’est l’Europe.
– Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, mes chers collègues, le temps est souvent un allié, mais il peut aussi devenir un ennemi. Beaucoup trop d’États prennent aujourd’hui leur temps pour ratifier les dispositions sur les ressources propres et ralentissent ainsi la mise en œuvre du plan de relance européen quand il faudrait au contraire accélérer. Nous les conjurons de le faire sans délai et nous ne pouvons nous retrouver dans une situation où les États-Unis seraient engagés dans la mise en œuvre de leurs 1 900 milliards de dollars et l’Europe, elle, en attente et à l’arrêt.
Le choc de la crise du COVID, vous le savez, est immense, et vous savez que l’Union européenne est sévèrement jugée. Il ne faut pas ajouter au fiasco des vaccinations et au retard pris dans la vaccination le retard dans le redémarrage de nos économies. Tous ces retards font désormais peser un risque sur l’avenir même de l’Union. Tout se joue donc maintenant.
Après cette ratification, l’Union pourra emprunter, émettre des obligations. Nous pourrons tous acheter et obtenir une part de celles-ci et ainsi contribuer au renouveau européen. Après cette ratification, la contribution « plastiques » verra le jour, première ressource propre depuis 33 ans. C’est une ressource intelligente qui allie défense de l’environnement, politique européenne et financement ; et c’est une victoire parce que les ressources propres, c’est un marqueur. Je vous mets au défi, chers collègues, de trouver un pro-européen qui s’opposerait aux ressources propres. C’est un marqueur entre pro-européens et euro-ambigus. C’est un marqueur entre les parlementaires européens et certains ministres. C’est aussi un marqueur entre les visionnaires et les tenants du statu quo, de l’Europe enchaînée par les capitales.
Chers collègues, ce que nous avons arraché est grand. Je vous le rappelle : ce Parlement, fait unique dans les démocraties parlementaires, ne peut pas décider de l’impôt. Le fait que nous soyons élus directement par les citoyens n’a pas d’importance. D’ailleurs, ça n’en a jamais eu. Nous n’avons jamais été que consultés et c’est ça qui nous a empêchés de réformer notre budget durant 33 ans. Cette fois, cependant, nous avons été capables de négocier collectivement, en intelligence, sincèrement. Qui dans cet hémicycle pense encore que les chefs d’État et de gouvernement ont approuvé cette contribution « plastiques » pour ses mérites intrinsèques ? Personne ! Sans en faire une condition de notre approbation du budget, sans notre pression constante, ici, dans cet hémicycle, là, dans les médias, cette proposition serait passée à la trappe comme bien d’autres auparavant. Soyons-en conscients et soyons fiers de ce résultat.
Mais, amis de l’Europe, notre combat n’est pas terminé pour autant. Nous avons désormais un accord de remboursement et un calendrier à faire respecter. Et la prochaine étape, quelle est-elle ? C’est demain, lors du sommet européen. Les chefs d’État y discuteront de la taxation des géants du numérique. Le temps du paradis fiscal planétaire pour les grands gagnants de la crise, les géants de ce siècle, sonnera bientôt comme un lointain souvenir.
Juin 2021 est aussi à marquer d’une croix dans nos calendriers, Monsieur le Commissaire, puisque c’est le mois où la Commission devra présenter sa proposition, conformément à l’engagement pris par les trois institutions. Juin 2021 et pas plus tard, sans attendre l’OCDE, parce que l’Europe doit effectivement être la figure de proue de la justice fiscale. Si nous, Européens, nous ne montrons pas la voie, alors une dure réalité s’imposera à tous les citoyens : la réalité que la justice fiscale, Google, Facebook, Amazon, Alibaba n’y participeront pas, et ça, je le refuse et je pense que nous le refuserons tous. Juin, ce sera aussi le mois du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et de la révision du marché du carbone. Nous allons enfin utiliser notre budget comme on aurait déjà dû l’utiliser depuis des années, c’est-à-dire comme un outil fiscal, de la même manière que le fait n’importe quel État dans le monde, d’ailleurs.
Mais, trop souvent, nos initiatives fiscales, pourtant défendues par nombre d’économistes, de chercheurs ou d’académiques, se fracassent contre le mur de l’unanimité, le mur de l’égoïsme national qui nous divise depuis le début sur ces questions. En effet, l’unanimité en matière fiscale n’apaise personne ; ça ne fait qu’augmenter les tensions entre ceux qui s’en plaignent et ceux qui la dégainent à la première occasion. C’est une véritable épine dans notre pied d’Européens. À cause de cela, l’Union est aujourd’hui financée à 80 % par les contributions nationales, transformant le Conseil en champ de bataille où s’affrontent les égoïsmes nationaux et ou, disons-le, l’intérêt européen est relégué au rôle de spectateur. Ça n’est plus acceptable.
C’est pourquoi nous devons désormais nous employer à faire appliquer un principe simple – je dirais même de bon sens – : si une politique ou un instrument européen génère de l’argent, celui-ci doit financer le budget européen, il doit l’intégrer, c’est aussi simple que cela. C’est aussi simple à comprendre que l’obligation politique qui s’impose à nous désormais : le plan de relance. Il ne doit être remboursé ni par une hausse des impôts ni par des coupes létales dans nos programmes européens. Une seule solution est viable et nous l’avons négociée. Elle est viable sur le plan économique et sur le plan politique. Nous devons faire peser la charge sur les grands pollueurs d’ici et d’ailleurs. Nous devons faire peser la charge sur les géants du numérique et sur les spéculateurs financiers.
Chers collègues, je suis confiante, parce que l’accomplissement de ces objectifs sera une condition pour pouvoir ramener un peu d’Europe dans le cœur des peuples. Tous les sondages le montrent. Qu’attendent les Européens de l’Union? Ils attendent que l’Union les protège, qu’elle protège l’environnement, qu’elle ramène de la justice fiscale, qu’elle apaise les relations entre nos États, et plus encore. La réussite de l’Europe sera jugée au travers de ces critères, et ce, dès aujourd’hui, et pas seulement en 2024, lorsqu’il faudra penser à notre réélection, chers collègues.
Monsieur le Commissaire, chers amis, il en va de notre responsabilité d’Européens de réussir le défi que nous nous sommes lancé. Les ressources propres, ce n’est pas un «machin» technique, c’est la mère de toutes les batailles politiques. L’adhésion et la réussite du projet européen en dépendent. Je crois pouvoir dire que José Manuel Fernandes et moi-même sommes déterminés et confiants.
Au-delà du saut fédéraliste dans la création d’un emprunt commun, dont personne n’est dupe sur le précédent qu’il crée, l’objectif de la Commission de nouvelles recettes couvrant les dépenses liées au remboursement en capital et en intérêts de l’emprunt semble hélas s’éloigner. Plus grave encore, le fait que le plan de relance finance non seulement des prêts mais aussi des subventions impliquera forcément des transferts budgétaires entre États membres. Un membre de la Commission m’a confirmé, lors d’une audition, que les États membres contribueront en cas d’insuffisance des recettes des nouvelles ressources propres, car l’Union européenne, n’a pas, hélas, l’intention de faire des coupes franches relatives à certains programmes dont la pertinence reste à démontrer, ou concernant des dépenses somptuaires par rapport à la politique immobilière.
Il s’agira en réalité d’une double peine pour la France. Les 40 milliards revenant à la France vont coûter plus cher que ce que nous aurions pu obtenir sur les marchés car le cumul du remboursement atteindra 70 milliards d’euros. Ce montage nuit gravement à notre souveraineté avec un contrôle accru de Bruxelles sur le budget de la France et avec l’amorce d’une mutualisation de la dette qui marque un pas supplémentaire vers un budget européen, donc un transfert de souveraineté.
Depuis les années 1970, la part du budget européen financée par des ressources propres, c’est-à-dire des impôts abondant directement le budget européen, n’a fait que baisser pour atteindre aujourd’hui seulement un quart du total des recettes. Pour le reste, nous devons, tous les sept ans, mendier aux États membres afin de débloquer les fonds nécessaires à la mise en œuvre des politiques européennes.
Il est inacceptable que le Parlement européen soit le seul parlement au monde à ne pas avoir la main sur les recettes de son budget. N’ayons pas peur des mots, c’est une anomalie démocratique et même un mépris des prérogatives des parlementaires européens, ainsi que des traités. C’est une question de souveraineté du Parlement, mais c’est aussi une question de souveraineté du peuple européen.
Assumer le rôle qui est le nôtre, cela commence par assumer le caractère éminemment politique de tous les dossiers relatifs aux ressources propres. Aucun dossier touchant aux revenus et à l’indépendance du Parlement européen ne doit être considéré comme technique. La technicité d’un texte, c’est à nous d’en juger.
Le Parlement n’est pas une chambre d’enregistrement. Les parlementaires directement élus par les citoyennes et les citoyens de l’Union doivent pouvoir contrôler et modeler les futures recettes du budget européen.
Aussi, rappelons aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union que nous entendons bien nous assurer que l’engagement pris en décembre 2020 dans l’accord interinstitutionnel soit respecté. Notre message est limpide, il est constant : nous voulons un budget indépendant du bon vouloir des États et des égoïsmes nationaux. Pour y arriver, nous exercerons sans exception la totalité des prérogatives qui sont les nôtres.
– Monsieur le Président, trois longs mois se sont écoulés depuis l’adoption par le Conseil de la décision sur les ressources propres, et pourtant plus de la moitié des parlements nationaux doivent encore se prononcer sur ce sujet.
Je rappelle que ces financements permettront de rembourser les plans de relance et donc de lancer la transformation écologique et numérique de notre économie. Les trois rapports que nous adoptons aujourd’hui permettront la mise en œuvre immédiate de cette transformation. Aller vite et être efficace sont les mots d’ordre, surtout dans cette période de crise.
Nous sommes en train de décider notre avenir commun, nos ressources communes, notre dette commune, et nous le faisons de façon fragmentée. Nous devons changer de méthode.
Les négociations du budget européen ont prouvé une chose: la prise de décision à l’unanimité au Conseil freine l’Europe et ralentit son action. Nous devons aussi dépasser les lenteurs des 27 ratifications nationales. La conférence sur l’avenir de l’Europe sera une étape-clé pour dépasser ces blocages. La crédibilité de notre action dépend de sa rapidité.
À présent, il est urgent que les parlements nationaux assument toutes les responsabilités et adoptent au plus vite la décision sur les ressources propres. Mais nous devons aussi nous adapter, tirer les leçons de ces passages, transformer l’Union et dépasser les vetos nationaux et les ratifications nationales à l’avenir. Oui, nous devons ensemble devenir plus ambitieux, plus efficaces et nous tourner résolument vers l’avenir. Agissons, chers collègues!